Vous aimez les soldes car vous avez l’impression de faire des bonnes affaires ? Mais est-ce toujours le cas ? Découvrez les mécanismes cachés sous les soldes et leur évolution.
Maison Standards, Noyoco, Asphalte …ou encore Novacteur (!) : chacune de ces marques françaises de prêt-à-porter refusent la pratique des soldes car leur business model repose sur des « prix justes » toute l’année. Les soldes sont-elles pour autant synonymes de prix injustes ? Faisons-nous forcément de bonnes affaires en période de soldes ?
« Les soldes sont une pratique commerciale consistant à vendre avec une réduction de prix des produits invendus et proposés à la vente depuis plus d’un mois, notamment dans le cas de vêtements. »
Un peu d’histoire.
L’histoire des soldes remonte au XIXe siècle. Elle trouve son origine à Paris, dans l’ancêtre du grand magasin Le Bon Marché. C’est son fondateur, Simon Mannoury, qui met au point cette technique de vente. Brillant homme d’affaires, il avait déjà révolutionné la vente en magasin. Il y a 200 ans, le prix des produits en magasin était encore négocié. C’est en effet à lui que l’on doit le système de vente à prix fixe et affiché en magasin qui nous semble plus que normal aujourd’hui. Depuis, les soldes prennent progressivement de l’ampleur pour devenir un véritable rituel attendu par la majorité des Français.
Au départ, un problème de stock.
La mode est le seul secteur à proposer une part aussi importante de produits nouveaux : lors de chaque saison, 86% de l’offre est constituée de produits différents. Ces chiffres montrent le besoin de rapidité de déstockage de l’industrie, mais c’est loin d’être la seule cause de soldes. Les soldes de fin de saison remplissent trois principales missions :
– Epurer les stocks ;
– Relancer les ventes en fin de saison ;
– Compenser la baisse de consommation des clients ;
Alors que dans l’ensemble du marché de l’habillement, la part des soldes et promotions atteint 32,9 %, c’est 55,5 % du chiffre d’affaires de l’habillement sur Internet qui sont réalisés en soldes et surtout lors des promotions ; en ce sens, Internet a stimulé les ventes à prix réduits tout au long de l’année.
Sur le plan légal.
Les soldes sont réglementés par loi. Chacune des deux périodes de soldes dure 6 semaines. En été, les soldes commencent le dernier mercredi du mois de juin. En hiver, ils débutent le 2ème mercredi du mois de janvier. D’abord occasionnelles, les soldes sont devenues systématiques et régulières. Mais la délimitation entre les soldes et d’autres périodes de baisse de prix (promotions, vente privées, French Days, Black Friday) devient de plus en plus floue à mesure qu’un grand nombre de marques s’en servent pour rallonger les périodes où elles peuvent afficher des réductions de 50 à 80%. C’est pourquoi il faut se méfier d’une marque qui va solder fortement ses produits ou qui pratique des ventes privées tout au long de l’année. N’oublions pas qu’à l’origine, les ventes privées ont été créées dans le but de fidéliser la clientèle
Mais alors où est le problème ? Les dérives des soldes.
Plutôt que de déstocker les invendus, les marques profitent de l’attention accrue des consommateurs pendant cette période pour produire plus et vendre plus.
En effet, les périodes de réduction reposent sur plusieurs mécanismes et biais psychologiques :
– L’effet de groupe.
– L’effet d’ancrage. L’effet d’ancrage fait que nous attribuons de la valeur à une chose en nous référant à une valeur de départ qui nous est donnée, de manière tout à fait involontaire. Ainsi, la valeur initiale de 80 euros que nous pourrions attribuer à une belle pièce conditionne fortement notre intention d’achat lorsque nous voyons une baisse de 50%.
– L’effet de rareté. Si vous ne vous dépêchez pas, les autres en profiteront et vous serez le perdant. Cette situation active de vieux réflexes de comparaison sociale, mais pas seulement. Elle instaure un stress diffus qui favorise les décisions rapides et irréfléchies
On assiste donc à des dérives de production inégalées. Au lieu de faire des prévisions de ventes raisonnées en fonction de la demande, certaines marques surproduisent volontairement afin de vendre spécifiquement durant les soldes.
La surproduction nécessite de nouvelles stratégies marketing visant à inciter le consommateur.
On l’a compris, les soldes sont devenus vitales pour la survie des marques. Mais face à une telle surproduction de vêtements, la demande n’est pas toujours suffisante. Les marques ont donc recours à des stratégies pour inciter les clients à acheter :
– Des prix défiant toute concurrence.
– Des prix gonflés en période de pré-soldes afin de faire croire ensuite à des remises exceptionnelles.
En réalité, on assiste à un problème plus profond : la baisse de la consommation dans le prêt-à-porter due aux répercussions économiques de la crise.
La consommation de vêtements baisse donc il en va de la survie des marques de fast-fashion d’augmenter leurs ventes, voir simplement de les stabiliser, au mépris de la confiance des clients.

C’est pourquoi les consommateurs se tournent vers des achats plus réfléchis.
Si la technique des soldes fonctionne encore pour une grande partie de la population (et que certaines marques les utilisent encore à bon escient), on constate une forte croissance de marques de vêtements dans tous les niveaux de gamme qui refusent cette pratique. Ce phénomène démontre l’intérêt des clients pour des marques honnêtes et surtout une prise de conscience générale de leurs dérives.
Mathias RECCOLE,
équipe approvisionnement de Novacteur